Histoire du rhum : les origines
L’histoire du rhum est intimement liée à celle de la canne à sucre, si bien qu’il est impossible d’évoquer l’un sans mentionner l’autre.
Tout commence avec la canne à sucre
C’est avec cette plante que tout a commencé. Sa « domestication » par l’Homme, qui remonte à huit millénaires avant notre ère, se développe rapidement dans les pays dont le climat et l’hygrométrie sont compatibles avec ses besoins. Originaire de Nouvelle-Guinée, elle est implantée avec succès sur l’île de Java et à Sumatra, puis dès le 5ème siècle avant J.-C., se diffuse en Chine et en Inde.
Dès le 7ème siècle, sous l’influence du monde arabe, l’Égypte, la Palestine, la Sicile puis l’Espagne, suffisamment chauds et abondamment irrigués, deviennent également des terres de prédilection. La canne fournit en effet une épice aussi prisée qu’onéreuse, le sucre, dont l’exportation crée des routes commerciales.
Chronologie sommaire et première apparition d’une eau-de-vie
Cette chronologie est nécessairement imparfaite. Les documents manquent et les vestiges archéologiques également, si bien qu’il est difficile de connaître avec certitude la date exacte de la toute première fermentation du jus de canne. Les dates que l’on indique sont celles qui ont pu être attestées par des preuves concrètes, mais il y a fort à parier qu’une eau-de-vie de canne à sucre ait été consommée .
- 1493 : Christophe Colomb implante la culture de la canne à sucre sur l’île d’Hispaniola (plus précisément, sur la partie de l’île formée par l’actuelle République Dominicaine). Cette plante apparaît donc pour la première fois sur le continent américain via l’archipel des Grandes Antilles.
- 1505 : La canne produit ses premiers pains de sucre.
- 1516 : La première exportation de sucre vers l’Europe (l’Espagne en l’occurrence) est opérée par voie maritime.
- 1619 : Un siècle plus tard, des documents prouvent qu’un commerce de sucre régulier s’est établi entre l’Europe et ce que l’on appelle alors les Amériques.
- 1639 : Un document atteste qu’un homme dénommé Fagues obtient de la « Compagnie des Isles d’Amérique » (une société privée qui avait obtenu un monopole octroyé par la France pour exploiter et commercer les Îles des Petites Antilles) un privilège de 10 ans grâce auquel celui-ci pouvait produire et vendre une eau-de-vie de canne à sucre sur les îles de la Martinique et de Saint-Christophe.
- 1651 : Un document atteste qu’une eau-de-vie de canne à sucre a été produite sur l’île de la Barbade.
- 1657 : Date de parution d’un ouvrage écrit par Richard Ligon, True and Exact History of the Island of Barbados, dans lequel il mentionne la distillation d’une boisson qu’il appelle « Kill-Devil », lors d’un voyage fait dans les îles Barbades au cours des années 1640, ce qui démontre qu’on l’y consommait déjà à cette époque.
Histoire d’un mot
Le mot « rhum » n’apparaît en français orthographié de cette façon (c’est-à-dire, avec un « h ») pour la première fois dans l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et d’Alembert. Il ne s’imposera chez nous qu’à la toute fin du 19ème siècle.
Auparavant, plus précisément dans la seconde moitié du 18ème siècle, on parlait en France de « romme », une transcription quelque peu phonétique du rum anglais. Lequel serait issu, selon une étymologie fort probable mais non attestée, du mot « rumbullion » (vocable que l’on trouve dans un texte de 1651), dont la signification n’est pas elle-même clairement établie, mais dont on imagine qu’elle signifierait probablement « bagarre » ou « tumulte ».
Le lexique pour désigner cette eau-de-vie nouvellement inventée est varié et particulièrement imagé :
- L’anglais « kill-devil » finit par passer au français et donne « guildive » (une graphie fondée sur une prononciation déformée de l’anglais), lequel semble très employé aux 17ème et 18ème siècles dans les colonies françaises.
- La traduction est aussi employée pour parler du rhum, qu’on appelle donc également « tue-diable ».
- Autre désignation (toujours française), le mot « tafia », qui désigne une eau-de-vie de cannes à sucre, dont on ne sait si elle est l’exact synonyme de « rhum » qui très probablement une forme abrégée de « ratafia », lequel sert à les eaux-de-vie en général.
- L’expression « vin de cannes à sucre » se rencontre également (en 1652) sous la plume du Père Maurile de Saint-Michel, qui l’évoque dans son Voyage des Isles Camercanes en l’Amérique, qui font partie des Indes Occidentales.