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Le rhum

Le rhum est une boisson spiritueuse issue d’un ingrédient unique, la canne à sucre, obtenue au terme d’un processus complexe dont les principales étapes sont le broyage (de la canne), la fermentation, la distillation et le vieillissement.

Étymologie

L’origine étymologique du mot « rhum » est aujourd’hui encore sujette à caution. En français, le mot apparaît pour la première fois avec la graphie anglaise « rum », sous la plume du britannique Richard Blome, dont l’ouvrage est traduit en français en 1688 sous le titre L’Amérique angloise, ou Description des isles et terres du roi d’Angleterre, dans l’Amérique1. En anglais, on trouve une première trace écrite bien antérieure, dans des ordres émis par la Législature de l’État du Connecticut remontant à 1654.

Certains étymologistes voient dans les mots anglais rumbullion et rumbustion, issus du dialecte du Devon et signifiant « tumulte » ou « tapage », l’origine probable du rum anglais, lequel est ensuite passé au français avec la même orthographe.

L’étymologiste anglais S. Morevood a également proposé plusieurs hypothèses, dont l’une, selon laquelle rum proviendrait de la dernière syllabe du mot latin saccharum (sucre), ingrédient qui sert à son élaboration, perdure aujourd’hui encore.

D’autres ont tenté d’établir une connexion avec le mot français « arôme », dont il aurait dérivé phonétiquement.

Taxinomie et définitions

bouteilles de rhum et verres
Trois bouteilles de rhum dans une échoppe spécialisée.

On appelle « rhums » une famille d’alcools produits grâce à la fermentation puis à la distillation de la canne à sucre, et dont les modes d’élaboration, certes très proches, comportent cependant plusieurs différences notables, en fonction desquelles plusieurs appellations viennent établir des distinctions auxquelles sont associés des labels et des certifications, reconnus sur le plan national pour certains, sur le plan international pour d’autres.

Classification générale

Le rhum est, par définition un alcool classé parmi les eaux-de-vie, car son élaboration passe par la distillation (simple ou double) d’un liquide dont la teneur initiale en alcool est faible, à savoir les moûts, mélasses et autres jus de canne à sucre fermentés.

Différenciation géographique

Selon l’origine géographique, à laquelle correspond un mode de production spécifique, on applique à ce spiritueux différents noms :

On doit cependant inclure dans cette liste la cachaça, qui est le nom couramment donné au Brésil à un eau-de-vie paysanne (aussi appelée, en fonction des régions branquinha, birita, caninha, etc.) également obtenu à partir du jus de canne frais, mais dont la distillation s’interrompt quand le distillat atteint 40 % vol., à partir de quoi il est immédiatement embouteillé, contrairement à la méthode à laquelle ont recours les rhumeries françaises, qui lui font atteindre un degré bien plus élevé avant de l’étendre d’eau, pour restreindre sa teneur en alcool. La cachaça est un rhum blanc.

Les différents âges du rhum

Une terminologie spécifique s’applique au rhum en fonction de la durée de son vieillissement. En France, une législation stricte s’applique.

Le rhum est ainsi qualifié de :

En savoir plus

Distinction opérée à partir du procédé de fabrication

Dans la terminologie européenne, on opère une distinction à partir de laquelle on obtient trois types de rhum :

Un AOC pour le rhum

À ce jour, l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) n’a été obtenue que pour la Martinique (depuis le 5 novembre 1996). Celui-ci est uniquement valable pour les rhums agricoles blancs et vieux issus de plantations de cannes à sucre cultivées sur le territoire du département d’outre-mer de la Martinique, et élevés dans la même zone géographique

Strictement encadrée, elle définit avec rigueur absolument tous les aspects de l’élaboration de l’eau-de-vie, afin de consolider la qualité de la production et permettre la création d’un terroir reconnu, dont chaque spécificité obéit à un cahier des charges détaillé et coercitif.

Ainsi, parmi la multitude de critères retenus, on trouve notamment :

Les Indications Géographiques Protégées

Le reste de la production française bénéficie quant à elle, et ce depuis janvier 2015, d’une IGP (tout aussi précise et  contraignante que l’AOC) :

L’ingrédient de base : la canne à sucre

canne à sucre
Gravure représentant un plant de canne à sucre de type Saccharum Officinarum 2.

La canne à sucre désigne une famille de plantes du genre saccharum, dont l’espèce officinarum, issue d’un croisement génétique survenu par l’entremise de l’homme il y a bien des siècles, est la plus communément utilisée pour la production de sucre, et qui sert à la confection du rhum. De nombreux croisements ont eu lieu avec des espèces voisines pour rendre celle-ci plus résistante aux maladies indigènes des latitudes nouvelles où elle est cultivée, et améliorer sa production.

L’origine géographique de la canne à sucre n’a pas été établie avec certitude, mais plusieurs études tendent à la situer en Nouvelle-Guinée. La communauté scientifique s’accorde sur une provenance située au cœur d’une région de l’Océanie appelée Mélanésie.

Son utilisation par l’homme, et sa domestication dans cette région du monde remonterait à environ 8000 ans avant notre ère. Sa diffusion (et donc sa culture) dans certaines des îles composant l’Indonésie et la Malaisie aurait eu lieu six millénaires avant notre ère. Elle serait ensuite apparue sur le continent asiatique (en Inde, en Chine) 2500 ans avant J.-C. À partir de cette nouvelle implantation, la canne à sucre sera cultivée en Égypte, en Palestine, et jusqu’en Sicile et dans le sud de l’Espagne, où les conditions climatiques, ainsi que l’irrigation que l’on croyait alors indispensable à la culture de cette plante, sont favorables à son introduction.

Il faudra attendre le 16ème siècle, soit quelques décennies à peine après la découverte du Nouveau-Monde (les Amériques) par Christoph Colomb, pour que les premiers essais de culture soient réalisés sur le continent américain. Si dans l’imaginaire collectif, le sucre de canne nous semble intrinsèquement lié aux Antilles, aux départements et terres d’Outre-Mer, la plante n’apparaît sur ces terres qu’avec l’époque coloniale.

La République Dominicaine (connue au 16ème siècle sous le nom d’Hispaniola) exportera du sucre vers l’Espagne dès 1516. À partir de cette époque, l’expansion des cultures de canne à sucre s’accélère, et on en produit à mesure que les conquistadores s’emparent des terres aztèques et incas, et esclavagisent les populations locales.

De fait, à partir du 16ème siècle la culture de cette plante, et avec elle les origines du rhum, sont indissociables de la colonisation et de la traite négrière, des affrontements des grandes puissances coloniales (notamment l’Espagne, le Portugal, la France, l’Angleterre, la Hollande et le Danemark), pour qui le sucre est avant tout un enjeu économique. Au début du 17ème siècle, en 1619 très exactement, le récit d’un flibustier français anonyme atteste de la présence de la canne à sucre en Martinique et dans les Petites Antilles.

Histoire d’une eau-de-vie

On trouve diverses traces écrites rapportant l’existence d’une eau-de-vie issue de la distillation (en alambic) de la canne-à-sucre, ou du moins élaborée à partir de techniques approximatives, mais s’en rapprochant certainement, dès la première moitié du 17ème siècle. Dans les différents écrits où il est évoque, le rhum, alors désigné sous différents noms évoquant sa force (kill devil, guildive), où l’effet qu’il produit sur les hommes (rumbullion) : il y jouit au demeurant d’une bien piètre réputation.

Il y est en effet associé à d’infâmes beuveries, à l’intempérance des colons et des esclaves, et est présenté comme une liqueur locale peu raffinée, voire même un tord-boyaux qui ne suscite d’autre agrément que l’ivresse. Il faut dire que les méthodes qui servent à sa production sont alors élémentaires, et ne s’amélioreront réellement qu’au 20ème siècle.

Jusque-là le consomme avant tout comme un cordial : il est distribué aux équipages des navires qui traversent les océans et relient, durant des traversées interminables et éprouvantes, l’Ancien-Monde au Nouveau, pour stimuler leur ardeur, et leur donner un remontant qui sert dans l’exécution des manœuvres difficiles, et est certainement plus sain que les barriques d’eau douce qui croupit rapidement au cours des voyages. Il fait aussi partie de la ration alimentaire distribuée aux esclaves, qu’il est supposé stimuler.
Découvrir l’histoire du rhum

Élaboration du rhum

Un processus complexe permet la transformation du jus extrait de la canne à sucre au moment du broyage en une eau-de-vie titrant, si l’on se réfère à la gamme des bouteilles disponibles dans le commerce, entre 40 % vol. et 84,5 % vol. (pour l’un des crus les plus alcoolisés).

Cette transformation passe par différentes étapes, qui interviennent immédiatement après la récolte de la canne, et commencent avec son broyage, puis se développent avec la pression à froid exercée sur la fibre broyée pour obtenir l’extraction optimale d’un jus frais, auquel on mélange des levures qui vont déclencher la fermentation, et la distillation du vin obtenue pour élever le degré d’alcool et affiner les saveurs et les arômes créées pour la plupart lors de la fermentation.

Cette technique n’est que l’un des innombrables procédés utilisés par l’industrie rhumière : si le déroulement consiste toujours en ces trois étapes incontournables que sont la fermentation, la distillation et le vieillissement, le matériel utilisé, ou même les matières premières, peuvent quant à eux varier.

Marché du rhum

Le rhum est aujourd’hui consommé sur tous les continents. En 2016, plus de 5 millions d’hectolitres de cette eau-de-vie ont été bus sur toute la surface du globe.

Les bouteilles se négocient entre 15 € et 2000 €. Cette fourchette tarifaire prend deux extrémités : d’une part les eaux-de-vie jeunes, mises en bouteilles et distribuées quelques semaines après la distillation, et d’autre part les crus d’exception, comme les millésimes, les fûts uniques ou les éditions limitées et numérotées, dont la rareté et la qualité fondent le prix.

Au sein de cet écart-type, on trouve :

Ces estimations se fondent sur les prix affichés par des références telles que la Compagnie du rhum, ainsi que ceux de la grande distribution, en France métropolitaine, en 2017.

Consommation

En fonction de sa qualité ou de son âge, on consomme le rhum mélangé à d’autres ingrédients pour former des boissons de types cocktails, qu’il relève de son feu, ou pur, lorsqu’il a pris une teinte ambrée et que des notes épicées, boisées d’une grande richesse viennent agrémenter la gamme.

Dégustation

Les meilleurs rhums, en particuliers ceux qui reçoivent l’appellation hors d’âge, se dégustent généralement purs, secs. Ils sont alors servis dans des verres spéciaux qui favorisent l’évacuation des vapeurs d’alcools, la diffusion des arômes et leur captation olfactive, tandis que la main, positionnée sous le calice du verre, le réchauffe lentement.

Il peut cependant également être servi sur glace, on the rocks selon l’expression consacrée, mais c’est à température ambiante, ou légèrement réchauffé par la main, qu’il libère tous ses arômes.

Cocktails

Le rhum blanc est l’un des alcools couramment utilisés dans la préparation de multiples cocktails, dont les plus célèbres sont le mojito, le daïquiri, le ti-punch, la Piña Colada, le Long Island Iced Tea (qui nécessite également quatre autres alcools forts), le cuba libre, le Mai Tai, ou encore le grog.

Rhums arrangés

Un rhum arrangé est une boisson de la famille des digestifs, préparée à partir d’une base d’eau-de-vie, à laquelle sont mélangés un ou plusieurs ingrédients (fruits, épices) qui ont macéré durant des laps de temps plus ou moins prolongés, généralement entre deux semaines et un an.

Gastronomie

On utilise le rhum dans de nombreuses recettes, parmi lesquelles :

Il peut également servir à la pratique de différentes techniques culinaires, et notamment servir à flamber des fruits ou d’autres préparations.

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Sources

  1. BLOME, Richard, L’Amérique angloise, ou Description des isles et terres du roi d’Angleterre, dans l’Amérique, p. 150, Amsterdam, A. Wolfgang, 1688.
  2. CHAUMETON, François Pierre, Flore médicale (Vol. VI), p. 333, Paris, Panckoucke, 1818.
  3. DONNADIEU Jean-Louis, SASSIER Marc, Les Plantations Saint-James, 250 ans de passion martiniquaise, 2015.